Rolex sanctionné d’une amende de 91,6 millions d’euros pour avoir interdit la revente en ligne des montres de la marque

Rolex sanctionné d’une amende de 91,6 millions d’euros pour avoir interdit la revente en ligne des montres de la marque

8 février 2024

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Roland RINALDO

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  • Droit économique

L’Autorité de la Concurrence a été saisie en janvier 2017 par un ancien distributeur de la marque et un syndicat interprofessionnel qui dénonçaient des pratiques commerciales illicites de Rolex France relatives à l’interdiction de revente sur Internet et à la fixation du prix de revente aux consommateurs.

Par décision du 19 décembre 2023, l’Autorité de la Concurrence a reconnu que le groupe Rolex a mis en œuvre une entente verticale portant sur l’interdiction de revente en ligne des montres de marque Rolex par les distributeurs agréés (1). L’Autorité a ainsi prononcé une amende de 91,6 millions d’euros à l’encontre du groupe Rolex correspondant à un pourcentage des ventes réalisées par Rolex France ainsi qu’une injonction de publication de la décision rendue (2).

1. L’interdiction de revente en ligne des montres de marque Rolex constitutive d’une entente illicite

– S’agissant du second grief contre la politique commerciale de Rolex (fixation des prix aux consommateurs), l’Autorité de la Concurrence a estimé que les éléments du dossier ne permettent pas de démontrer qu’il y a eu entente entre Rolex France et ses distributeurs en vue de restreindre la liberté tarifaire des distributeurs. L’Autorité de la Concurrence en a conclu, qu’aucune entente illicite n’était établie et prononcé un non-lieu sur ce point.

S’agissant du premier grief (interdiction de revente en ligne), l’Autorité de la Concurrence a reconnu qu’en insérant d’octobre 2011 à mars 2022 dans l’ensemble de ses contrats de distribution sélective une clause interdisant la revente des montres Rolex hors établissement ou à distance et notamment sur Internet, Rolex a mis en œuvre avec ses distributeurs français de façon généralisée une restriction de concurrence par objet.

Une telle pratique constitue une entente illicite au libre jeu de la concurrence au sens des articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.

L’Autorité de la Concurrence est en effet d’avis qu’une telle pratique est grave par nature car elle a pour conséquence de fermer une voie de commercialisation au détriment des consommateurs et des distributeurs.

Le groupe Rolex a tenté de faire valoir notamment que la gravité des pratiques doit être considérée comme limitée, en particulier en raison de l’appartenance des montres Rolex à la catégorie des produits de luxe et des conséquences de cette caractéristique sur les modalités de distribution de ces produits.

L’argumentation de Rolex est cependant écartée par l’Autorité qui relève notamment que « ni le caractère de produits de luxe attaché aux montres Rolex, ni la place prétendument marginale de la distribution par Internet dans le secteur des montres de luxe n’atténuent le caractère restrictif des pratiques en cause ».

Surtout, l’Autorité de la Concurrence note que des concurrents de Rolex autorisent la revente sur Internet de leurs montres sous certaines conditions et/ou mettent en œuvre des dispositifs technologiques pour lutter contre la contrefaçon de sorte qu’une interdiction pure et simple de revente sur Internet apparaît disproportionnée et non indispensable par rapport aux objectifs évoqués par Rolex pour justifier cette restriction de concurrence.

Tenant compte de ce qui précède, l’Autorité de la Concurrence constate que l’entente mise en œuvre par le groupe Rolex n’est pas susceptible de bénéficier d’une exemption individuelle et doit donc être sanctionnée.

2. Une amende de 91,6 millions d’euros pour sanctionner cette entente anticoncurrentielle

Au stade de la sanction de l’entente, l’Autorité de la concurrence retient que la pratique a été mise en œuvre par la société Rolex France SAS, en tant qu’auteure d’une part et la société Rolex Holding SA et la fondation Hans Wilsdorf, en tant qu’entités mères, et la société Rolex SA en tant que sociétés ayant exercé une influence déterminante sur la société auteure, d’autre part.

Il est notamment rappelé dans la décision qu’au-delà de la société-auteure de l’entente, cette dernière est également imputable aux entités qui détiennent directement ou indirectement tout ou partie du capital social de Rolex France en ce qu’elles sont présumées exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de Rolex France et, à ce titre, solidairement tenues avec cette dernière de la sanction prononcée par l’Autorité de la Concurrence. Même si cette présomption peut être combattue par la preuve d’une autonomie de décision de la société-auteure, les éléments de preuve sur l’autonomie décisionnelle de Rolex France n’ont pas été jugés convaincants en l’espèce.

En vertu de l’article L. 464-2 du Code de commerce, le montant maximal de sanction susceptible d’être prononcée en matière d’entente est fixé en prenant en compte une proportion de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par l’entreprise de sorte qu’ayant retenu un chiffre d’affaires consolidé de 8 milliards d’euros. L’Autorité de la concurrence rappelle donc qu’elle aurait pu prononcer contre le groupe Rolex une amende pouvant aller jusqu’à 800 millions d’euros.

Elle a cependant pris en compte différents facteurs et notamment les hésitations jurisprudentielles en matière de restriction de concurrence au sein d’un réseau de distribution sélective de produits de luxe pour retenir comme assiette de l’amende prononcée un pourcentage des ventes réalisées en France.

L’Autorité de la Concurrence a ainsi condamné solidairement les entités du groupe Rolex à une amende de 91,6 millions d’euros correspondant à 12,5% des ventes réalisées par Rolex France et assorti sa condamnation d’une injonction à (i) de communiquer aux distributeurs agréés un résumé de la présente décision, (ii) de publier ou faire publier un résumé de la présente décision dans les versions papier et en ligne d’un quotidien national d’information politique et générale et d’une revue spécialisée dans l’horlogerie de luxe et (iii) de publier sur la page d’accueil de son site internet le texte du résumé de la présente décision.

Ci-dessous le lien vers la décision complète de l’Autorité de la Concurrence :

Décision 23-D-13 du 19 décembre 2023 | Autorité de la concurrence (autoritedelaconcurrence.fr)

Roland Rinaldo