« Quiconque craint de se repentir ne tire aucun fruit de ses erreurs »
2 mars 2023
| |- Droit immobilier
Le dictionnaire Larousse définit le repentir comme le « vif regret éprouvé pour une faute commise, accompagné d’une promesse de réparation ».
Le régime légal du bail commercial prévoit précisément un mécanisme dit de « repentir » permettant au bailleur qui a refusé le renouvellement du bail commercial, moyennant le paiement d’une indemnité d’éviction, de revenir sur sa décision et de consentir au renouvellement du bail (moyennant uniquement le paiement des frais de l’instance afférente à la fixation de cette indemnité), sous réserve que le preneur n’ait pas déjà quitté le local (ou plus exactement qu’il n’ait pas « … déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation »).
L’article L 145-58 du Code de commerce précise que ce « repentir » peut être exercé jusqu’à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle la décision (fixant l’indemnité d’éviction) est passée en force de chose jugée.
La Cour de Cassation rappelle ce mécanisme dans un arrêt du 15 février 2023.
En l’espèce, un bailleur avait exercé son droit de repentir en juillet 2015, à l’issue d’une expertise judiciaire ayant évalué l’indemnité d’éviction, le refus de renouvellement du bail datant du 6 octobre 2011. Le preneur considérait, pour divers motifs, cette attitude comme « fautive » à son égard.
La Cour de Cassation juge au contraire que le bailleur a valablement exercé son droit de repentir en retenant que cette démarche est bien intervenue avant qu’une décision passée en force de chose jugée n’ait été prise concernant le montant de l’indemnité d’éviction et que le locataire n’ait engagé un processus irréversible de départ des lieux. Elle souligne également que l’existence d’une faute ne pouvait être déduite du seul fait que la bailleresse ait exercé son droit de repentir un mois après le dépôt du rapport d’expertise et presque quatre ans après le refus de renouvellement du bail.
Il peut être précisé que le preneur considérait également l’attitude du bailleur comme fautive au motif qu’il avait entrepris dans les locaux des travaux de réhabilitation ayant pour conséquence, selon lui, de modifier sensiblement les facteurs locaux de commercialité et d’impacter son chiffre d’affaires. La Cour de cassation a également rejeté l’argument considérant que si les travaux entrepris par la bailleresse avaient pu lui causer des désagréments, ils n’avaient pas fait obstacle à la poursuite de son activité commerciale dans les lieux loués. Elle souligne enfin qu’il appartenait au locataire de solliciter judiciairement une diminution du loyer en considération de l’évolution des facteurs locaux de commercialité, ce qu’il n’a pas fait.
Cass. Civ. 3ème, 15 février 2023, n° 21-21.985
* Chateaubriand, Mélanges Politiques