Adoption de la Loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023 portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation dite « Loi Lemaire »

5 décembre 2023

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Roland RINALDO

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  • Droit de la concurrence

Le projet de loi porté par le Ministre de l’Economie Bruno Lemaire était très (trop ?) ambitieux : créer un calendrier légal des négociations commerciales et avancer de plusieurs mois la date-butoir des négociations commerciales traditionnellement fixée au 1er mars afin de permettre aux distributeurs de répercuter plus rapidement d’éventuelles baisses de prix des fournisseurs et redonner ainsi du pouvoir d’achat aux Français.

Il ressort des débats parlementaires que le Législateur (Assemblée Nationale et Sénat réunis) a paru sceptique sur l’impact de ce texte sur l’inflation et préoccupé par son effet pratique sur les PME-PMI et ETI qui ont déjà dû s’adapter en très peu de temps aux modifications successives apportées au cadre des négociations commerciales par les Lois Egalim 2 et 3.

Le Gouvernement a cependant maintenu le cap et fait adopter un texte avec, il est vrai, des ambitions plus réduites puisqu’il s’applique à « toute convention portant sur des produits de grande consommation commercialisés sur le territoire français conclue entre tout distributeur exerçant une activité de commerce de détail à prédominance alimentaire et tout fournisseur de produits de grande consommation, sans remettre en cause le principe d’annualité régissant les conventions commerciales mentionnées aux articles L. 441-3, L. 441-4 et L. 443-8 du code de commerce, ni l’accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante mentionné à l’article L. 410-5 du même code ».

Le nouveau dispositif issu de la Loi Lemaire est d’ordre public et trouve donc à s’appliquer à seulement aux contrats répondant aux critères cumulatifs suivants :

S’agissant de son champ d’application matériel : la Loi Lemaire s’applique seulement aux fournitures de produits de grande consommation (PGC) définis à l’article L.441-4 du Code de commerce comme des « produits non durables à forte fréquence de consommation ». La liste des PGC est fixée par l’article D.441-9 du Code de commerce accessible via le lien ci-dessous :

Article D441-9 – Code de commerce – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

S’agissant du champ d’application personnel : seule la fourniture à des commerçants de détail à prédominance alimentaire (enseignes de grande distribution) est concernée. Ce texte ne s’applique donc pas à la fourniture aux grossistes au sens de l’article L.441-1-2 du Code de commerce ainsi qu’aux réseaux de distribution spécialisés ;

S’agissant de son champ d’application territorial :  l’ensemble des PGC commercialisés en France sont concernés. Sur ce point, la rédaction de la Loi Lemaire ne peut que rappeler celle de du nouvel article L.444-1 A du Code de commerce et laisse aucun doute sur le fait que le Législateur a souhaité qu’il soit reconnu à ce nouveau dispositif la valeur de Loi de police internationale. La Loi Lemaire a donc vocation à s’appliquer aux conventions conclues avec des centrales d’achat ou de référencement situées à l’étranger quand bien même, les parties auraient décidé de soumettre leurs conventions à un droit étranger.

Par dérogation, les PGC destinés à être commercialisés dans les départements et territoires d’Outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna, la Polynésie française et Nouvelle-Calédonie) sont exclus de ce nouveau dispositif.

Pour les PGC concernés, la Loi Lemaire définit deux calendriers de négociation commerciale, en fonction du chiffre d’affaires annuel réalisé par le fournisseur. Le cas échéant, pour les fournisseurs faisant partie d’un groupe de sociétés, il sera tenu compte du chiffre d’affaires consolidé du groupe au sens de l’article L. 233-36 du Code de commerce pour apprécier ce seuil.

 

Pour les fournisseurs de PGC dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 350 millions d’euros,

La date de remise des Conditions générales de vente (CGV) est fixée au 21 novembre.

La date-butoir des négociations est fixée au 15 janvier pour une prise d’effet des conventions annuelles au 16 janvier 2024.

A défaut d’accord au 15 janvier, rappelons que les fournisseurs de produits alimentaires ou de denrées animales ont la possibilité, s’ils le souhaitent, de saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises en vue de trouver un accord sur les conditions tarifaires au plus tard le 15 février (avec prise d’effet rétroactive au 16 janvier).

 

Pour les fournisseurs de PGC dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur ou égal à 350 millions d’euros,

La date de remise des Conditions générales de vente (CGV) est fixée au 5 décembre.

La date-butoir des négociations est fixée au 31 janvier pour une prise d’effet des conventions annuelles au 1er février 2024.

A défaut d’accord au 31 janvier, les fournisseurs de produits alimentaires ou de denrées animales ont la possibilité, s’ils le souhaitent, de saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises en vue de trouver un accord sur les conditions tarifaires au plus tard le 29 février (avec prise d’effet rétroactive au 1er février).

 

Le non-respect des dates susvisées pour la remise des CGV est sanctionné par une amende de 15 000 euros.

Le non-respect des dates-butoirs susvisées est sanctionné par une amende administrative pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros pour une personne morale.

 

Au titre des disposition transitoires, il est prévu une caducité automatique aux dates-butoirs susvisés des conventions annuelles signées avant le 1er septembre 2023 portant sur la fourniture de PGC éligibles au nouveau dispositif.

Pour les conventions portant sur des PGC hors champ de la Loi Lemaire, les articles L.441-4 ou L.441-3-1 du Code de commerce qui prévoient le 1er mars comme date-butoir aux négociations commerciale restent applicables.

 

L’adoption de ce texte mi-novembre laisse donc peu (voire pas) de temps aux entreprises concernées pour s’adapter en vue des négociations commerciales 2024.

Roland RINALDO