Le fournisseur de produits à marques de distributeurs ne peut pas être qualifié de grossiste

Le fournisseur de produits à marques de distributeurs ne peut pas être qualifié de grossiste

4 avril 2024

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Roland RINALDO

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  • Droit économique

Dans un avis du 26 janvier 2024, la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales (CEPC) revient sur la possibilité de qualifier de grossiste un fournisseur de produits à marque de distributeur (MDD) qui ferait assurer la fabrication à des tiers en soulignant que la qualification de grossiste est caractérisée par une activité d’achat-revente (1) et que la fabrication de produits MDD constitue un contrat d’entreprise incompatible avec la qualification de grossiste (2).

La CEPC a été interrogée sur le point de savoir si une entreprise fournissant des produits alimentaires à marque de distributeur (MDD) à des distributeurs peut être qualifiée de grossiste même si elle ne fabrique pas elle-même les produits concernés et en fait assurer la fabrication par des tiers.

1. La qualification de grossiste caractérisée par une activité d’achat-revente

Tout d’abord, la CEPC rappelle la définition de grossiste au sens de l’article L. 441-1-2 du Code de commerce issu de la Loi n°2023-221 du 30 mars 2023 Descrozaille encore EGAlim 3 comme « toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou à plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d’autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour les besoins de son activité. Sont assimilées à des grossistes les centrales d’achat ou de référencement de grossistes.

Sont exclus de la notion de grossiste les entreprises ou les groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale d’achat ou de référencement pour des entreprises de commerce de détail ». (nous soulignons)

La notion de grossiste est donc caractérisée par une activité d’achat-revente. Dans le cadre de leur activité, les grossistes doivent conclure avec leurs clients-distributeurs un contrat de vente écrit soumis à l’article L. 441-3-1 du Code de commerce prévoyant notamment :

  • L’ensembles des conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix ;
  • Les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou des services du fournisseur ne relevant pas des obligations d’achat et de vente ;
  • Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale.

Tout manquement à l’article L. 441-3 du Code de commerce est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 375 000 euros pour une personne morale. Le maximum de l’amende encourue est porté à 750 000 euros pour une personne morale en cas de récidive dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

2. La fourniture de produits MDD est un contrat d’entreprise incompatible avec l’activité de grossiste

La définition du produit vendu à MDD est quant à elle prévue par l’article R. 412-47 du Code de la consommation qui dispose qu’ : « Est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l’entreprise ou le groupe d’entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu ».

Conformément aux dispositions de l’article R. 412-47 précité, la qualification de produits sous MDD nécessite la réunion des conditions cumulatives suivantes :

  • la définition de spécifications transmises par l’entreprise-donneuse d’ordre ;
  • l’activité de vente au détail de cette dernière
  • et la propriété de la marque sous laquelle le produit est vendu.

La CEPC retient dès lors que dans le cadre du contrat MDD conclu avec les clients-distributeurs, il ne s’agit pas d’une opération d’achat-revente mais d’un contrat d’entreprise par lequel une personne s’oblige contre rémunération à exécuter un travail spécifique pour un tiers de façon indépendante et sans représentation de son cocontractant.

Par ailleurs, l’article L. 441-7 du Code de commerce s’applique à tout « contrat conclu entre un fournisseur et un distributeur portant sur la conception et la production de produits alimentaires selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur et vendus sous marque de distributeur ».

Rappelons que le contenu de la convention écrite fixé par l’article L. 441-7 est sur bien des aspects plus contraignant que celui prévu par l’article L. 441-1-2 du Code de commerce en ce qu’il prévoit notamment :

  • l’obligation d’insérer une clause de révision automatique en fonction de la variation du coût de la matière première agricole ;
  • l’interdiction d’imputer au fabricant des dépenses liées aux opérations promotionnelles ;
  • pour les contrats ayant une durée supérieure à 12 mois, l’obligation de fixer une date annuelle à laquelle le prix est renégocié pour tenir compte des fluctuations des prix des matières premières entrant dans la composition du produit ;
  • l’obligation de prévoir une clause d’engagement de volume prévisionnel du distributeur ainsi qu’un délai raisonnable de prévenance permettant au fabricant d’anticiper des éventuelles variations de volume ;
  • la durée minimale du préavis contractuel à respecter en cas de rupture de la relation contractuelle. Il prévoit le sort et les modalités d’écoulement des emballages et des produits finis en cas de cessation de contrat ;
  • un dispositif d’alerte et d’échanges d’informations périodiques entre le distributeur et le fabricant afin d’optimiser les conditions d’approvisionnement et de limiter les risques de ruptures ;
  • une clause de répartition entre le distributeur et le fournisseur des différents coûts additionnels survenant au cours de l’exécution du contrat.

Tout manquement à l’article 441-7 précité est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 375 000 euros pour une personne morale. Le maximum de l’amende encourue est porté à 750 000 euros pour une personne morale en cas de récidive dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

Au final, la CEPC est donc d’avis que tout contrat portant sur la fabrication de produits MDD tels que définis à l’article R. 412-47 du Code de la consommation constitue un contrat d’entreprise qui exclut la qualification de grossiste au sens de l’article L. 441-1-2 du Code de commerce et doit être exclusivement régi par l’article L. 441-7 précité du Code de commerce et ce, même si le fournisseur a lui-même sous-traité la fabrication des produits sous MDD à des tiers.

Voici le lien vers l’avis de la CEPC.

Roland RINALDO