La reprise par un concurrent d’un concept ou d’un produit n’est plus (nécessairement) un acte de parasitisme

La reprise par un concurrent d’un concept ou d’un produit n’est plus (nécessairement) un acte de parasitisme

5 juillet 2024

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Roland RINALDO

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  • Droit économique

Par deux arrêts rendus le 26 juin 2024 (pourvois n°22-17.647 et n°23-13.535), la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte d’intéressantes précisions en matière de qualification et de preuve du parasitisme économique.

Le pourvoi n°23-13.535 contestait un arrêt de la Cour d’appel de Rennes ayant rejeté l’action en parasitisme de Maisons du Monde contre Auchan qui avait commercialisé des articles d’art de la table reproduisant un décor « vintage » créé par le bureau d’étude de style de Maisons du Monde et commercialisé depuis sous forme de tableau sur support toile dénommé « Pub 50’s ».

Le pourvoi n°22-17.647 contestait, cette fois, un arrêt de la Cour d’appel de Paris ayant fait droit à l’action en parasitisme de Décathlon contre Intersport qui avait commercialisé des masques intégraux avec tuba incorporé reproduisant un modèle similaire développé par Décathlon.

Après avoir rappelé la définition du parasitisme économique (1.), la Cour de cassation pose les trois critères constitutifs de l’acte parasitaire (2.) et, pour décider s’il y a lieu en l’espèce de sanctionner un tel acte parasitaire, met à la charge de la partie qui s’en prétend victime de prouver la réunion de ces critères (3.).

1.La notion de parasitisme économique

Le parasitisme économique est une forme de pratique de concurrence déloyale, constitutive d’une faute délictuelle au sens de l’article 1240 du Code civil qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

2.Les critères de qualification du parasitisme économique

Ainsi définit le parasitisme économique se caractérise donc par la réunion des trois critères cumulatifs suivants : 

  • L’existence d’une valeur économique individualisée et identifiée qui peut être caractérisée par la notoriété du produit parasité, la réalité du travail de conception et de développement, le caractère innovant de la démarche et les investissements publicitaires ;
  • La volonté de se placer dans le sillage d’un concurrent par la commercialisation d’un (second) produit identique d’un point de vue fonctionnel et/ou fortement inspiré de l’apparence du premier produit et ce, en tenant notamment compte du fait qu’à l’époque, la victime de l’acte parasitaire investissait encore pour la promotion de son produit, connu d’une large partie du grand public grâce aux lourds investissements publicitaires consentis pendant plusieurs années.
  • L’absence de contrepartie ou de prise de risque du parasite qui ne justifie d’aucun travail de mise au point du (second) produit pour profiter du succès rencontré auprès de la clientèle par le (premier) produit proposé par son concurrent et bénéficier ainsi d’un avantage dans la concurrence.

3.La preuve du parasitisme économique

Tenant compte de ce qui précède, il appartient donc à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque ainsi que la volonté d’un tiers de se placer dans son sillage, sans contrepartie ni prise de risque.

Faisant application de cette exigence probatoire, la Cour de cassation constate dans la décision Maisons du Monde que les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent consistant en une combinaison « banale » d’images préexistantes qui n’avait jamais été mise en avant comme emblématique de l’univers de la marque Maisons du Monde et ne représentant en tant que tel pas une valeur économique individualisée n’est pas constitutif d’un acte de parasitisme (pourvoi n°23-13.535).

De même, dans la décision Décathlon, si la Cour de cassation approuve au final la Cour d’appel d’avoir admis l’existence d’une valeur économique individualisée notamment au vu des investissements publicitaires dûment justifiés, elle n’en précise pas moins que le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une telle valeur ne peuvent être présumées ni se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit (pourvoi n°22-17.647).

Par ces deux arrêts, la Cour de cassation offre donc aux entreprises et aux praticiens des lignes directrices claires pour qualifier et faire sanctionner les actes de parasitisme économique.

Il est cependant à craindre que l’importance particulière accordée désormais à la preuve de la « valeur économique identifiée et individualisée » n’ait pour effet de réserver de facto la sanction du parasitisme aux opérateurs structurés susceptibles de justifier d’importantes dépenses de R&D et d’investissements de publicité au détriment de victimes ayant des moyens financiers et humains plus modestes qui, en dépit de leur succès commercial indéniable de nature à attirer la convoitise de concurrents indélicats, auront potentiellement plus de difficulté à faire valoir ce critère.

Retrouvez ci-après le lien vers les décisions :

Décision – Pourvoi n°23-13.535 | Cour de cassation

Décision – Pourvoi n°22-17.647 | Cour de cassation

Roland RINALDO