Cession d’une filiale déficitaire : la société mère doit-elle s’assurer de la viabilité de la reprise ?

illustration juridique cession filiale déficitaire et société mère

31 octobre 2025

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Annie CADORET

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  • Droit des sociétés

Sauf cas de fraude, une société, lorsqu’elle cède les titres qu’elle détient dans une filiale exerçant une activité déficitaire, n’a pas l’obligation de s’assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d’un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale.

Ce principe vient d’être réaffirmé de manière claire par la Cour de cassation (Chambre commerciale 7 mai 2025 n° 23-16.700 F-B, X c/ Sté Caravelle), confirmant ainsi une jurisprudence récente (Cour de cassation Chambre commerciale 1er mars 2023, n° 21-14.787 FS-B).

Par suite, l’action en responsabilité engagée contre la société mère par les salariés de la filiale cédée, licenciés après la mise en liquidation judiciaire de celle-ci, a été rejetée dès lors qu’aucune fraude ni faute lors de la cession n’était caractérisée à l’encontre de la société mère.

1. Les fondements d’un principe d’irresponsabilité

La cession d’une filiale s’analyse juridiquement comme une cession de titres (actions ou parts sociales) emportant leur transfert de propriété du cédant au cessionnaire.

Ce transfert de propriété ne s’accompagne pas d’une garantie par le cédant au profit du cessionnaire de la pérennité de l’activité de la filiale dont les titres ont été cédés.

2. Les limites au principe d’irresponsabilité

2.1 La fraude

La responsabilité de la société mère cédante pourra être retenue en cas de manœuvres frauduleuses.

Ceci implique de démontrer que la cession a été organisée et réalisée dans le but de faire échec aux droits des tiers (créanciers et salariés), et donc dans le seul objectif de ne pas avoir à subir les coûts financiers de sa fermeture.

En particulier, il pourra être qualifié de manœuvre frauduleuse la cession à un acquéreur défaillant, choisi sans diligences préalables, et donc de nature à faire échec à la viabilité de la reprise.

Toute la difficulté consistera à démontrer le lien de causalité entre les décisions prises par le cédant et les difficultés constatées post-cession.

2.2 La faute de gestion antérieure à la cession

La responsabilité de la société mère pourra également être recherchée au titre de la gestion de sa filiale avant la cession si cette gestion a contribué à sa déconfiture.

Sont qualifiables de fautes de gestion toutes décisions contraires à l’intérêt social de la filiale (notamment privation soudaine de tout soutien financier ou des moyens nécessaires à l’exercice de son activité, cession d’une partie de ses actifs ou d’une branche d’activité à d’autres structures du groupe, décisions stratégiques ayant généré les difficultés).

Ici encore, pour que la responsabilité de la société mère cédante puisse être retenue, il conviendra de pouvoir démontrer que cette gestion fautive est la cause des difficultés post-cession de la filiale cédée.

Annie Cadoret