Bail commercial : Réparations locatives et préjudice du bailleur : la Cour de cassation enfonce le clou !

9 juillet 2025
| |- Droit immobilier
En bail commercial, la question des réparations locatives lors de la restitution des lieux par le preneur est un point de friction fréquent avec le bailleur.
David GUINET propose de s’arrêter sur un nouvel arrêt de la Cour de cassation du 22 mai 2025 confirmant un important revirement de jurisprudence du 27 juin 2024, s’agissant principalement de la date d’appréciation du préjudice du bailleur.
1. Rappel du revirement de jurisprudence du 27 juin 2024.
Dans trois affaires soumises à la Cour de cassation (Cass. Civ. 3ème, 27 juin 2024, n°22-24.502, n°22-21.272 et n°22-10.298), des bailleurs commerciaux demandaient à leurs locataires de les indemniser au titre du coût de travaux de remise en état des locaux (les locataires n’ayant manifestement pas respecté leurs obligations d’entretien et de réparation des locaux loués résultant soit des termes du bail soit des termes de la Loi).
La Cour de cassation énonçait que le locataire qui restitue les locaux dans un état non-conforme à ses obligations découlant de la Loi ou du contrat, commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur.
Elle précisait, conformément à sa jurisprudence antérieure, que ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l’exécution des réparations ou à l’engagement effectif des dépenses.
Toutefois, la Cour de cassation précisait que le juge est tenu d’évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, et doit donc prendre en compte, lorsqu’elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles que la relocation, la vente ou la démolition.
2. La confirmation du revirement le 22 mai 2025
Dans l’espèce soumise à la Cour, le bailleur avait assigné son preneur à l’indemniser du coût de remplacement d’une pompe à chaleur et de la perte d’un loyer d’un semestre. Il avait ensuite, deux ans plus tard, revendu l’immeuble.
La Cour d’appel avait condamné le preneur au paiement d’une somme au titre du remplacement de la pompe à chaleur dont la dégradation lui était imputable en retenant que « si les travaux ne seront pas réalisés par la bailleresse qui a vendu l’immeuble, son indemnisation, à raison de dégradations commises par la locataire, n’est pas subordonnée à l’exécution des réparations ni à l’engagement effectif des dépenses ».
Une telle solution ne peut plus être retenue depuis les arrêts du 27 juin 2024 qui imposent de prendre en considération les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles que la relocation ou vente.
L’arrêt est donc cassé dès lors que le bailleur ayant vendu les locaux sans réaliser les travaux, il ne démontrait pas son préjudice.
Peut-être aurait-il dû faire état d’une décote de prix lors de la vente du bien consécutive à l’état de restitution des locaux par le preneur ? … décote dont la preuve resterait malgré tout difficile à établir.
Cass. Civ. 3ème, 22 mai 2025, n°23-21.228
David GUINET
david.guinet@avodire.fr