Attention aux nullités en cascade en cas d’annulation d’une décision sociale d’exclusion d’un associé
31 octobre 2025
| |- Droit des sociétés
Dans notre précédente Newsletter, nous avions présenté les nouvelles modalités d’annulation des décisions sociales à la lumière de la réforme des nullités. Nous souhaitons aujourd’hui attirer votre attention sur le mécanisme des nullités en cascade qui peut résulter de l’annulation d’une décision sociale.
Par une récente décision, la Cour de cassation est venue rappeler le caractère rétroactif de l’annulation d’une décision sociale, pouvant entraîner l’invalidation des décisions adoptées postérieurement.
1. Rappel de la prise en compte de l’effet rétroactif de l’annulation de l’exclusion
L’exclusion d’un associé produit en principe un effet immédiat : il cesse aussitôt de faire partie du cercle social. Néanmoins, l’article 1178 al. 2 du Code civil dispose que la décision sociale dont la nullité a été prononcée est censée n’avoir jamais existé et doit être considérée comme n’ayant produit aucun effet. Autrement dit, l’associé injustement évincé retrouve rétroactivement ses droits à compter du jour de son exclusion. En conséquence, l’annulation de la décision d’exclusion par le juge entraîne un retour en arrière des droits de l’associé, au jour où il a été évincé. Or le défaut de convocation d’un associé à une assemblée est une cause de nullité des assemblées (Cass. 3e civ. 21-10-1998 no 96-16.537).
Dans un arrêt du 18 juin 2025, la Cour de cassation a confirmé ce principe (Cass. com. 18-6-2025 no 23-20.593). Dans cette affaire, l’assemblée générale d’une société civile de construction-vente (SSCV) décide la mise en vente par adjudication de l’intégralité des parts sociales d’un associé. Après la sortie de cet associé, une assemblée générale de décembre 2013 décide de proroger le terme de la société. Cependant, un jugement du 5 février 2014 prononce la nullité de la décision excluant l’associé, ce dernier soutenant alors que la décision d’assemblée prorogeant la durée de la société est nulle, en faisant valoir qu’il n’y avait pas été convoqué. En effet, l’associé, réintégré rétroactivement, aurait dû participer à l’assemblée générale de 2013. La Cour de cassation valide le raisonnement, la décision prorogeant la durée de la société étant donc nulle.
Les conséquences de cette rétroactivité sont désastreuses et il convient dès lors de prendre garde à la mise en œuvre d’une procédure d’exclusion d’associé.
2. L’ordonnance du 12 mars 2025 n° 2025-229 : un cadre renforcé face aux nullités en cascade
Avant le 1er octobre 2025, les juges disposaient déjà d’un pouvoir d’appréciation, pouvant refuser une nullité lorsque ses conséquences paraissaient disproportionnées au regard de l’irrégularité constatée. Dans un arrêt du 5 janvier 2016, la Cour d’appel de Paris a notamment rejeté la demande d’annulation d’assemblées irrégulièrement convoquées, au motif que les décisions prises n’étaient pas contraires à l’intérêt social (CA Paris 5-1-2016 n° 14-21.649).
A compter du 1er octobre 2025, les mécanismes de la réforme des nullités vont venir renforcer la légitimité des décisions collectives en limitant le risque de nullités en cascade.
- D’une part, le juge saisi d’une demande de nullité d’une décision sociale pourra la prononcer uniquement si le « triple test » est réuni (article 1844-12-1 nouveau du Code civil). Il devra entre autres vérifier que les conséquences pour l’intérêt social ne sont pas excessives au regard de l’atteinte à l’intérêt dont la protection est invoquée.
- D’autre part, le juge pourra annuler une exclusion d’associé, sans effet rétroactif, seulement si ce retour en arrière aurait été de nature à produire des effets manifestement excessifs au regard de l’intérêt social (article 1844-15-2 nouveau du Code civil). Cette faculté vise à empêcher que les décisions prises dans l’intervalle soient systématiquement remises en cause.
Il restera à vérifier, à l’avenir, si ces instruments produiront l’effet attendu tout en prenant soin de respecter la procédure d’exclusion statutairement prévue et de ne pas hésiter à se faire assister de professionnels du droit à cet égard.